pour elle les tendresses d’une intime passion. Jeune, vigoureux, il avait besoin d’une femme, un besoin tout charnel ; et il voulait surtout être payé de ses dépenses par la satisfaction de son amour propre. Les compliments que sa maîtresse lui valait, les envies jalouses qu’il excitait, lui devaient être de captivantes flatteries. Et la fille avait su devenir telle qu’il la désirait.
Elle était parvenue, sans efforts, à se donner les allures d’une mondaine habituée aux attitudes élégantes et froides, aux gestes d’une élégante correction. Devant les autres officiers, au beuglant, dans les réunions, elle se montrait réservée, prise de subites pudeurs. Elle souriait à peine, en rougissant, aux paroles grivoises. Elle-même parlait fort peu, avec une recherche et, lorsque par hasard, elle avait laissé échapper une expression sale, un silence sévère la tenait ensuite durant des heures en punition volontaire.
Charles conduisait souvent Lucie dans les lieux d’amusement public, enchanté du prestige qu’elle lui procurait. Le lundi, elle était au théâtre, installée aux secondes loges de face, vêtue d’une robe de soie blanche très luxueuse. Et, tandis que tous, curieusement, la considéraient, elle restait très droite, impassible, les yeux constamment tournés ou vers la scène, ou vers la loge de son amant. Parfois, seulement, secouée d’une joie folle, elle cachait son visage derrière l’éventail