Page:Chair molle.djvu/197

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de grand matin, en lui accordant à peine un au revoir somnolent.

Elle, aussitôt, se remettait à dormir, heureuse, vautrée en travers du lit, et c’était dans la vaste chambre aux rideaux fermés une soûlerie de sommeil.

Vers deux heures elle ouvrait les yeux. Le sommeil disparaissent lui laissait aux membres une voluptueuse torpeur comme une chaude envie de rester ainsi, toujours mollement couchée. Elle frottait ses paupières mi-closes, et sa rêverie mêlait aux souvenirs de la nuit, les projets pour la journée commençante ; chaque fois elle craignait d’être réveillée trop tôt. Une peur navrante la faisait courir à la fenêtre et ouvrir les rideaux, puis tout éjouie par l’inondation instantanée des rayons solaires, elle se couchait, impatiente de ressentir encore cette exquise torpeur. Elle aimait alors considérer sa chambre. En face, encadrant les fenêtres claires, le mur couvert d’un papier bleu. dont elle examinait les dessins jaunes aux formes indécises que l’humidité illustrait par endroits de courbes dentelées. Entre les fenêtres, une large commode à marbre gris, surmontée de bibelots divers. Elle parcourait tendrement des yeux l’acajou luisant de la toilette flamande et son miroir limpide soutenu par des cous de cygne. Tous ces objets lui appartenaient. Elle pourrait, en quittant cette chambre, les