Page:Chair molle.djvu/201

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Avec du rouge, étendu à la patte de lièvre, elle donne à ses pommettes un éclat rutilant, et ses tempes étaient encadrées par le balancement rythmé des boucles d’oreilles, larges anneaux d’argent emmêlés aux touffes des cheveux. Elle admire orgueilleusement ses bras, sa poitrine élevée jusqu’au menton, ses mains enfermées en de hauts gants de couleur claire. Puis elle se retourne, se cambre, se veut examiner toute et de tous les côtés, ravie de prévoir une chasse heureuse.

Tel était le but avoué de ses coquetteries. Mais, au fond, Lucie vivait dans l’adoration absolue de son corps. Sur elle-même, elle avait reporté le besoin d’affection qui toujours l’avait tourmentée.

Enfin, elle parfaisait l’harmonique symphonie des couleurs et des lignes, en jetant sur ses épaules un cache-poussière, gris perle, aux pans doublés de grenat. Sur sa tête elle posait une toque, fixée par un voile blanc enlacé au cou. Et, la conscience gaie, Lucie descendait pour commencer la tâche quotidienne.

Jamais elle ne quittait la sombre rue du Bois-Saint-Étienne sans jeter à la clef un regard haineux. En entrant dans la rue des Suaires, elle embrassait d’un coup d’œil la double sente des trottoirs, décochant une œillade dès qu’elle apercevait, dominant le fouillis des vestes et des