Page:Chair molle.djvu/211

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calcul, pour forcer les hommes à la venir retrouver ; mais, au fond, elle adorait plus que jamais les caresses lascives et s’ingéniait à ressentir des spasmes encore inaperçus. Cette poursuite du plaisir se traduisait dans ses rêveries, par la réminiscence de livres licencieux ou par le regret de n’avoir pas été l’esclave de cette flagrance amoureuse lorsque Léon était avec elle. Et la vision de ses premières amours se mêlait à ses vœux sensuels, les fardait d’un sentimentalisme qui enthousiasmait Lucie. La nuit elle arrachait subitement de sa torpeur l’homme couché à son flanc pour obtenir de lui quelque raffinement de luxure. Ensuite, l’hystérie s’éteignait, la réalité s’imposait vite à la fille lorsque le monsieur se levait avachi, demandant : « Dis donc ? Où est la serviette ? »

Par un revirement soudain, elle se dégoûtait alors des plaisirs charnels. Elle en venait à estimer une souillure le spasme érotique ; elle regrettait n’avoir point, après l’amour assouvi, des éphèbes spirituels et beaux, l’entretenant avec douceur de la passion véritable. Une aspiration à une liaison très pure affluait, mais il lui paraissait qu’une telle liaison ne saurait être obtenue sans dépense d’argent. Ne fallait-il pas, pour cela, avoir des allures élégantes et honnêtes, attendre surtout les avances.