Monsieur Vénus, par Rachilde et Francis Talman. Aug. Brancart, éditeur et Bruxelles.
On m’avait parlé de ce livre comme on parle de cette Gamiani que les imbéciles continuent d’attribuer à Alfred de Musset, et qui n’est, par la pauvreté du style et par l’absence complète de forme, que l’œuvre de quelque commis-voyageur en goguette.
Je dois avouer que je n’en ai pas coupé le premier feuillet sans une certaine répugnance. Pourtant, cette concession faite a mon sentiment personnel, j’ai parcouru l’ouvrage d’une seule traite, tant il est vrai que l’art élève toutes choses dans une sorte de région sereine, en les couvrant de son manteau magique. J’ai donc été jusqu’au bout, captive par le soin avec lequel ce livre est écrit, intéressé malgré moi par ces vives touches de couleur et par l’inexorable justesse des lignes qui, parfois, semblent creusées au poinçon plutôt que tracées au crayon…
Que dirait le naïf et simple papa Rabelais (que naguère on osait accuser de licence !) Le sain, l’honnête et pur Rabelais, que deviendrait-il en lisant cette phrase écrite par une jeune femme auteur, en cette fin de siècle :
« Être Sapho, ce serait être tout le monde ! Mon éducation m’interdit le crime des pensionnaires et les défauts de la prostituée. J’imagine que vous me mettez au-dessus des amours vulgaires ? »