Page:Chair molle.djvu/54

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Pendant une heure, sous l’œil bienveillant du patron promenant son pantalon blanc dans le couloir, c’était un va et vient continuel. Ces dames se rencontraient sur l’escalier, un pot dans une main, un seau dans l’autre.

Et, dans la salle tendue de cuir rouge, les banquettes qui recouvraient les baignoires ayant été retirées, les femmes faisaient leurs ablutions en riant, en se jetant de l’eau à travers la pièce.

Ensuite, Lucie Thirache grimpait lestement l’escalier, toute frissonnante de la fraîcheur qui régnait en la cour couverte et dans le couloir ; Madame la rejoignait dans sa chambre et, tandis que la fille s’habillait, elle inspectait minutieusement l’armoire à glace, les effets, en faisant mille questions. Elle confiait à Nina, que décidément Reine était trop brutale avec les messieurs ; elle serait obligée de la changer. Et Lucie, très fière de ces confidences, énumérait les défauts de sa compagne, engageait la patronne à la faire partir. Ainsi elle se donnait des airs de supériorité. Mais Madame s’apaisait : Pensez donc ; une nouvelle que je ne connaîtrai, ni d’Ève, ni d’Adam. Et elle supposait cette future pensionnaire avec tous les défauts. Elle finissait par dire : Je vais encore essayer comme ça, quelque temps. Tiens, appelle-la un peu que je lui parle.

Bientôt toutes les femmes étaient réunies dans la chambre de Nina. Madame épanchait des con-