Page:Chair molle.djvu/90

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tantôt les forts parfums du patchouli ou du musc s’exhalaient de son amie, quand elle courbait le torse ou soulevait les bras, et alors, avec de grands battements de cœur, elle se serrait à son amante, aspirant de toutes ses forces les grisantes suavités, laissant ses mains se perdre sur la peau humide et satinée, bien autrement douce que celle de l’homme. Et, malgré ce satinement, cette douceur, malgré les molles rondeurs où elle semblait s’enfoncer, Lucie se sentait aussitôt étreinte, avec une énergie qu’elle ignorait chez les mâles les plus robustes ; elle était embrassée furieusement sans être meurtrie, mordue sans être blessée. Elle goûtait d’infinies délices où paraissaient ensemble et des alanguissements et des tensions et des faiblesses et des vigueurs.

Mais le pouvoir de les rendre exclusives, multipliait les charmes de ces voluptés. Nul de ces plaisirs n’était répété avec d’autres. Elles gardaient le secret de leurs délices, elles éprouvaient une grande joie à se regarder devant les pensionnaires du 7, d’une façon à elles particulière, en se passant la langue sur les lèvres, qui évoquait en leur esprit la pensée de leurs secrètes félicités.

Et cet amour grandissait.

Quand son amie était absente Lucie se sentait prise de mélancolie ; ses anciennes épouvantes lui revenaient et les moments qu’elle passait