Page:Chair molle.djvu/92

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se jeter aux bras de l’autre, elle se faisait petite, suppliante, pleurait à ses genoux en lui demandant pardon. Mais ces humiliations qu’elle s’imposait, augmentaient encore sa haine contre Laurence.

Pour l’agacer elle ne négligeait aucun moyen. Elle avait repris ses chants, et, sans cesse, elle adressait à Léa les paroles amoureuses de ses romances avec de tendres œillades. Elle exigeait que son amie lui donnât devant sa rivale, les marques les plus évidentes de la passion. Et le soir, au salon, elle s’ingéniait à enlever les clients de Laurence, la dénigrant auprès de tous. Mais l’autre ne se lassait pas ; ses cadeaux arrivaient plus nombreux et plus riches. Lucie fut obligée à y répondre par d’autres présents plus riches encore. Toutes deux s’endettèrent auprès de leurs camarades.

Enfin, Lucie triompha ; elle donna à son amante, des boucles d’oreilles en or vrai. Et dès lors, son mépris pour « l’autre » éclata. Elle la savait ruinée, incapable d’un nouvel effort. Ce furent de continuelles moqueries. Lucie tournait en dérision toutes ses paroles, toutes ses attitudes, tous ses actes. Des scènes violentes eurent lieu ; avec des injures, elles se menaçaient en une furieuse gesticulation. Mais Madame intervint, leur déclara que si elles ne parvenaient à s’entendre, elle les enverrait toutes