Page:Chalandon - Essai sur la vie et les œuvres de P. de Ronsard, 1875.djvu/252

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— no — l-il (riin sujet populaire pour le transformer, l'idéa- liser, lui donner une forme précise? Fera-t-il, en un mot, ce qu'ont fini Homère, le Tasse ouCamoëns? assurément non. Si le génie de Ronsard avait élé différent, s'il avait élé moins épris du grandiose^ qu'il prenait pour le beau, il aurait pu trouver, sans avoir à chercher bien loin, un magnilique sujet d'épopée, en ravivant de vieilles haines non encore lout à fait endormies ; en rappelant aux chevaliers, les exploits de leurs aïeux, et au peuple, les maux que l'invasion lui avait fait souffrir. Les noms de Crécy, de Poitiers, d'Âzincourt et le souvenir de Jeanne d'Arc n'étaient pas assez effacés, pour que Ronsard n'en eût pas rencontré fréquemment des traces. Il a regretté de ne pas avoir chanté Godefroid de Rouillon, Charles Martel et Charlemagne ; je re- grette bien plus vivement, pour la France et pour lui, qu'il n'ait pas chanic la vierge de Veaucou- leurs ; non pas certes que ces héros, dont la gloire l'exalte, ne soient dignes d'inspirer un poëte, mais parcequ'ils offraient moins de ressources pour une grande épopée nationale, d'autant plus que leur souvenir n'existait déjà guère que chez les esprits cultivés. Jeanne, au contraire, s'offrait à lui dans les conditions poétiques les plus favorables ; assez loin pour permettre à la fiction de venir embellir la réalité; assez près pour que son nom trouvât un