Page:Chalandon - Essai sur la vie et les œuvres de P. de Ronsard, 1875.djvu/282

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Si c'est aimer de vivre en vous plus qu'eu moy-mesme,

Cacher d'un front joyeux une langueur extresme,

Sentir au fond de l'àme un combat inégal,

( liaud, froid, comme la fièvre amoureuse me traicte,

Honteux, parlant à vous, de confesser mon mal ;

Si cela est aimer, furieux je vous aime,

Je vous aime et sais bien que mon mal est fatal ;

Le cœur le dit assez ; mais la langue est nuiette.

Tout n'est pas irréproclinble dans celte pièce, mais le mouvement général en est bon, et l'ensem- ble en est empreint d'une émotion véritable. L'a- mom' est plus vrai chez Ronsard que chez beaucoup de poètes du seizième siècle. Un grand nombre d'entre eux chantent sans éprouver les sentiments qu'ils expriment, et tombent dans la fadeur, ou dans une déplorable exagération. Ronsard chante des impressions réelles ; il souffre d'une affliction profonde à la mort de Marie ; sa douleur se lit à travers chaque phrase ; on sent que cette perte l'a frappé au cœur. Malheureusement, chez lui, comme chez bien d'autres, les impressions, même les plus vives, ne sont pas très-durables : il semble que, lors du Irépas de Marie, sa vie, à lui, se soit brisée, et qu'il veuille suivre sa maîtresse au tom- l)eau; il s'écrie :

Kol (jui ail monde met son cœur, Fol qui croit à l'espoir mocqiieur Et à la beauté tromperessc !