Page:Chalandon - Essai sur la vie et les œuvres de P. de Ronsard, 1875.djvu/30

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poule qu'ils affectent découragenl plus d'un lecteur. La naïvelé, la grâce naturelle, l'abandon, font trop souvent défaut, à cette époque de transition, où le vrai et le faux se louchent ; où la fable vient se mê- ler, dans une proportion difficile à saisir, à la réa- lité; où Jupiter et Jésus-Christ se trouvent placés l'un à côté de l'autre et sur le même pied ; où la forme est mythologique, tandis que , la plupart du temps, l'esprit est chrétien. Il y a, dans celte conti- nuelle discordance, quelque chose qui fatigue l'es- prit ; on éprouve une sensation pénible à ne pas se trouver sur un terrain solide et l'on s'étonne que tant d'esprits distingués aient pu céder ainsi au ca- price du jour et sacrifier aux faux dieux.

Car, à tout prendre, c'étaient des hommes émi- nents que ces poètes de la Pléiade et leurs commen- tateurs. Daurat, Baïf, Belleau, Jodelle, Ponthus de Tyard, du Bellay, étaient des intelligences d'élite; mais, pour diriger le mouvement qui entraînait le seizième siècle; pour l'arrêter dans ce qu'il eut d'exagéré ou de ridicule ; pour parvenir en même temps à fixer la langue d'une manière définitive, il fallait plus qu'un homme de talent, il fallait un gé- nie. La France [avait besoin d'un Homère ou d'un Dante ; elle n'eut que Ronsard.