Page:Challamel - Souvenirs d’un hugolâtre.djvu/109

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fut engendrée par le Fouriérisme, et elle en fut la caricature.

Jean Journet se disait l’Apôtre, après avoir commencé par être carbonaro, après avoir exercé plusieurs métiers. Il prêchait la doctrine de l’auteur de la Théorie des quatre mouvements, mais les disciples du maître le traitaient de fou, parce qu’il voulait une propagande directe ; parce qu’il recrutait des souscripteurs parmi les personnages en vue, et ressemblait à un frère quêteur ; parce qu’il pondait une grande quantité de vers, les imprimait, les « plaçait » en déclarant que lui, Dieu et le genre humain étaient reconnaissants à l’égard de quiconque achetait cette poésie forte en pathos.

Sous la monarchie de Juillet, sous la république de 1848, sous le second Empire, même, l’apôtre Jean Journet promena dans Paris son costume étrange. Le quartier Latin l’a connu ; les étudiants, à diverses époques, ont lu et « blagué » ses Chants harmonieux, ses Cris et Soupirs, ses Cris de douleur, son Cri d’indignation, son Cri de délivrance, son Cri de détresse.

Je l’ai rencontré dans nombre d’ateliers d’artistes, chez Louis Boulanger et chez Auguste Préault. Ce Fouriériste déclassé ennuya tour à tour, sinon concurremment, Victor Hugo, George Sand, Lamartine, Casimir Delavigne, le colonel