Page:Challamel - Souvenirs d’un hugolâtre.djvu/255

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L’ut de poitrine ajoute au mérite de la diction lyrique. Le public s’enthousiasme, se lève sur les banquettes, acclame Duprez et le porte aux nues.

Nous-mêmes, oubliant nos projets hostiles, nous applaudissons à outrance. Le chanteur triomphe, — et la loge infernale lui dépêche un ambassadeur pour le féliciter.

Duprez a débuté en 1837 ; il a quitté l’Opéra après des créations assez rares, après des succès éclatants. Sa venue fait époque dans l’histoire du chant ; elle date aussi comme origine des gros appointements. « Quel gouffre que ces ténors ! disait-on déjà. Guizot a soixante mille francs pour sauver la France, et Duprez tout autant pour sauver l’Opéra. »

Alors dansait Marie Taglioni, la sylphide des sylphides, dont Méry, Delacroix, Alexandre Dumas, et vingt autres artistes ou écrivains remplissaient le petit salon, rue de la Grange-Batelière.

Alors dansait Fanny Elsler, la ravissante gitana, dont le sculpteur Dantan fit la statuette et dont les pas de caractère — boléros, fandangos et cachuchas — excitaient l’imagination des spectateurs, comme la poésie aérienne de Taglioni causait les douces extases.

Le ballet ne plaisait plus seulement aux vieux