Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/111

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de la Défense d’aimer ; puis vint Kœnigsberg et cette union trop légèrement conclue, source de tant d’amertume et de misère ; puis Riga et sa lourde et bourgeoise atmosphère, Paris et ses détresses matérielles, Dresde et l’anéantissement successif et total de ses espérances, la Suisse et le long exil dans une retraite silencieuse et sans écho, enfin la lutte désespérée et sans issue pour le bien contre le mal, à Paris, à Vienne, à Munich. Et maintenant c’était la paix et le repos : aux côtés du maître, une compagne, digne et capable de le consoler de toutes les injustices du sort, puissant appui pour la tâche à laquelle sa vie d’artiste était prédestinée ; et, dans les bras de cette femme, un fils ! « un fils merveilleusement beau et vigoureux, que j’ai pu hardiment nommer Siegfried : il croît avec mon œuvre, et me rend une nouvelle, une longue vie, qui a enfin trouvé sa signification[1] ».

Je viens de faire allusion à l’événement le plus important de cette époque de la vie de Wagner : son second mariage. Sa première femme, Wilhelmine Planer, était morte le 27 janvier 1866. Depuis plusieurs années déjà, elle s’était retirée à Dresde, sa ville natale. La dangereuse aggravation d’un désordre cardiaque, qui datait de loin, l’avait rendue incapable de continuer à partager la vie agitée de son mari. L’année du Tannhäuser, à Paris, en particulier, avait épuisé les dernières forces de la pauvre femme. Et maintenant, au moment précis où pouvaient commencer des années de repos, des années de bonheur, qui semblaient bien dues, certes, à celle que le sort avait si durement éprouvée, la mort l’en avait frustrée. Mme Wilhelmine Wagner était une bonne femme,

  1. Lettre à Mme Wille, du 25 juin 1870.