Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le mieux dans sa carrière, dans ses œuvres et dans ses paroles. Si j’ai réussi, en quelque mesure, à amener le lecteur à une conception intelligente de l’homme dans l’artiste, à entr’ouvrir pour lui l’âme même du maître, le vrai Richard Wagner ne tardera pas à lui apparaître. Il ne manque pour cela qu’une chose, la physionomie où se reflétait sa personnalité, physionomie dont la mobilité expressive était difficile à fixer pour le pinceau du peintre, bien plus inaccessible encore à l’appareil du photographe.

Resterait à dire quelques mots des défauts de Wagner. Mais quand on étudie un caractère tel que celui-là, ses « défauts » peuvent se présenter sous un angle spécial ; quand, par exemple, certains de ces défauts, comme, chez Wagner, sa violence excessive, ne sont que le corollaire nécessaire des plus nobles qualités, et comme l’envers des plus hautes vertus, sont-ce vraiment des défauts ? Une violence pouvant aller, par moments, jusqu’à l’injustice s’explique assez par la réunion, chez le même homme, d’une énergie extraordinaire et d’une sensibilité artistique excessive. Supprimez les qualités, le défaut disparaît ; mais elles en restes inséparablement. On peut en dire autant de la prodigalité si souvent reprochée à Wagner. Les grands artistes n’ont jamais su compter ; d’ailleurs, ils sont, en tout, portés à l’extrême. Le musicien de génie, qui, comme Beethoven, n’a que des oreilles et pas d’yeux, se négligera au point d’en devenir presque repoussant. Mozart, par contre, nature de dramaturge, vit beaucoup par l’œil : « Du linge grossier, pour moi, est une abomination chez un homme», dit-il ; il «brûle de posséder des boucles d’argent pour ses souliers », un habit rouge « lui chatouille cruellement le cœur », il ne sait pas d’ailleurs ce qu’il lui coûtera, « parce que je