Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/143

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nous en dit lant sur son caractère et sur l’orientation de son esprit, ses actes d’alors sont en relation si nécessaire avec tout ce qui les a précédés, et ont eu une si grande influence sur sa destinée ultérieure, que cette courte période est bien l’une des plus importantes de sa vie.

Ce que Wagner voulait avant tout, ce à quoi il avait voué sa vie, c’était une Allemagne une et forte, au lieu d’une impuissante confédération émiettée par le particularisme (Voir sa lettre au professeur Wigard du 19 mai 1848). Si toutefois, Saxon de Saxe, il ne vit pas la solution du problème dans l’hégémonie de la Prusse, si même il protesta contre cette hégémonie[1], si, quand les Prussiens envahirent sa patrie saxonne, il se jeta aussitôt du côté de la résistance armée, il se peut qu’il ait manqué de prudence politique, mais cette imprudence l’honore. Le vrai patriotisme est fait de couches concentriques, dont le centre, le principe, est l’amour de la famille ; sans ce dernier, il ne reste qu’une association sordide d’intérêts, j’allais dire un groupement d’actionnaires. Ceci posé, si Wagner, tout en voulant la grande Allemagne, ne voulait pas voir trahie l’Allemagne locale, le bienaimé petit pays de son enfance, c’est ce qu’un avenir impartial, loin de le blâmer, ne pourra qu’admirer.

Telle est, dans ses grandes lignes, la foi politique qui fut la sienne à cette époque. Et s’il fit preuve de courage moral en défendant publiquement ses vues politico-sociales, ce qu’il appelait ses « sottises » de mai 1849 témoigne aussi de sa virile intrépidité, de son courage physique. Wagner ne s’est pas battu

  1. On connaît sa proposition de n’admettre aucun État ayant une population de plus de six millions.