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Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/145

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penchant à prendre sans réserve le parti du faible contre le fort. « C’est au héros vaincu, non au héros vainqueur que vont nos sympathies», écrivait-t-il trente ans plus tard. C’est là, au point de vue purement politique, un penchant périlleux, qui a fait commettre des « sottises » à plus d’une noble nature ; mais peu d’hommes l’ont éprouvé à un aussi haut degré que Wagner ; et ce n’est pas nous qui lui en ferons un reproche.

Il nous reste à présenter encore une dernière considération, de beaucoup la plus importante de toutes.

En outre de cette orientation politique et de ces particularités de caractère, l’attitude de Wagner, à ce moment historique, met bien en saillie le trait fondamental qui partout se retrouve chez lui : sa confiance en l’esprit allemand. À travers toutes les désillusions d’une vie qui a duré soixante-dix ans, cette confiance demeura intacte. C’est ainsi que nous le voyons, dès 1848-1849, se tourner vers la majesté royale, « confiant en l’esprit allemand » et s’adresser tour à tour au baron de Luttichau, pour lui exposer « les sombres pressentiments qui l’agitent » au sujet de l’avenir du peuple ; au ministre des cultes Martin Oberlœnder, pour lui exposer son « projet d’érection d’un théâtre national allemand » ; aux membres de l’Association patriotique, « pour les mettre en garde, par l’intelligence et la douceur, contre de grossiers excès » ; puis encore à des membres de l’Assemblée Nationale de Francfort, parce que « un souci patriotique, » lui fait craindre « de funestes éventualités » ; enfin, aux soldats saxons, par qu’il eût pu s’attendre à être fusillé… Comme Wagner, parlant de cette époque troublée, l’écrivait à Uhlig : « Nous nous figurions qu’il suffisait,