Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/161

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libérales, démocratiques ou socialistes, est en vérité « révolutionnaire ». Car révolution veut dire « mouvement circulaire », et les divers partis ressemblent aux rayons d’une roue, qui tournera tant qu’il y aura des esclaves, pour les presser du pied, et des maîtres d’esclaves, pour les y exciter. L’Art et la Révolution, contient, en quarante pages, une esquisse magistrale de ce mouvement révolutionnaire, dans lequel, selon Wagner, l’humanité est encore engagée.

On ne saurait légitimement découper des citations dans une exposition si condensée, mais le temps n’est pas loin, espérons-le, où tout Allemand estimera les écrits d’un Richard Wagner à un tout aussi haut prix que ceux des autres héros du génie allemand. Alors il comprendra ce qui en est de « l’esprit révolutionnaire » de Wagner.

Car Wagner se place exactement au même point de vue que Schiller. Pour Schiller aussi, l’État actuel n’est qu’un expédient ; pour lui aussi, « l’esprit du siècle oscille entre le non-sens et la grossièreté », entre ce qu’on pourrait appeler « la contre-nature et la nature brute » ; lui aussi espère de l’avenir un ordre autre, mais ce n’est pas de l’État actuel « qu’on peut l’attendre, car c’est cet État, tel qu’il est aujourd’hui constitué, qui a permis au mal de naître », etc., etc[1].

La « révolution humaine » de Wagner est donc la même que Schiller voyait dans la succession des divers États, de ces expédients politiques, fruits de la nécessité immédiate et brutale. Wagner considère l’humanité comme engagée dans un stage transitoire et chaotique, et cela dès le moment où naquit la « politique »

  1. Voir les Lettres sur l’Éducation esthétique de l’homme.