Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/168

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touchant la nature humaine, la science, et l’art (L’Œuvre d’art de l’Avenir). Et cette esquisse générale d’un avenir rêvé ne pouvait elle-même suffire à l’artiste créateur ; de là surgit une philosophie du drame parvenu à sa perfection (Opéra et Drame), philosophie pleine de suggestions élevées pour l’artiste d’aujourd’hui, et dans laquelle surabondent les pensées les plus profondes sur l’État et la Religion, sur les sciences naturelles et le langage, sur le passé, le présent et l’avenir de la race humaine. Plus tard, enfin, viennent de nombreuses dissertations sur l’État et la Religion et d’autres thèmes analogues, sur Acteurs et Chanteurs, et d’autres sujets plus spécialement scéniques, mais surtout sur le grand problème d’une régénération du genre humain.

Si, avec Kant, nous voulons voir dans la philosophie autre chose qu’une simple doctrine d’école, une vision du monde ; si nous adoptons son point de vue, à savoir que « le philosophe pratique, enseignant la sagesse par la parole et par l’exemple, est le vrai philosophe », il nous faudra considérer les écrits de Wagner, même les tout premiers, comme essentiellement philosophiques. Wagner n’a jamais écrit d’esthétique ; c’est, seulement, et tout au plus, dans L’Œuvre d’art de l’Avenir, qu’il semble toucher à ce domaine par ses considérations sur les divers arts spéciaux. Mais l’esthétique est bien de la philosophie « d’école» ; et ce que Wagner, tout au contraire, cherche à établir, c’est une philosophie pratique, une « sagesse ». Il n’a traité qu’une fois de métaphysique, dans son Beethoven (métaphysique de la musique), et alors, simplement comme disciple de Schopenhauer.

On comprend sans peine que les vues d’un tel homme sur le monde et l’ensemble des choses présentent un