Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/171

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Wagner ne s’est jamais occupé de philosophie en tant que doctrine d’école, je chercherai à indiquer brièvement les traits caractéristiques du développement philosophique de sa pensée. Et d’abord, il importe d’écarter certains obstacles extérieurs qui, dans le cas présent, pourraient incontestablement nuire à une compréhension complète.

Wagner fait cet aveu : « C’est le propre du poète, placé vis-à-vis du monde tel qu’il existe, d’être plus mûr pour l’intuition, pour la vision intérieure, que pour la cognition abstraite et consciente». Ailleurs, il regrette, au sujet de ses écrits de Zurich, « sa précipitation et l’emploi inexact de schémas philosophiques ». Ces deux passages définissent nettement le principal des obstacles dont je veux parler :

La vision, chez le poète, est plus rapide que la formation des concepts. Celle-ci retarde sur celle-là.

Toute distinction de ce genre ne saurait être que relative : chaque grand penseur est poète, et la connaissance abstraite, c’est-à-dire celle qui peut se traduire en mots, ne répondra jamais d’une manière absolue à ses vues sur l’ensemble des choses, et n’y pourra être qu’imparfaitement adéquate ; mais il peut y avoir du plus ou du moins, et, comme l’artiste, par toute sa nature, voit davantage et raisonne moins qu’un autre penseur, la disproportion sera pour lui plus inévitable et plus grande encore. Cette disproportion même est déjà une source de malentendus, sur laquelle j’attire l’attention du lecteur.

Mais à cette cause de disproportion nécessaire se joint, dans quelques-uns des écrits les plus importants de Wagner, — il le reconnaît lui-même — un manque d’exactitude dans « l’emploi des schémas philosophiques » ; l’auteur traite même cette inexactitude de