Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/173

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dont il arrive à puiser dans Feuerbach, puis dans Schopenhauer, « des concepts adéquats à son point de vue », est en elle-même si caractéristique, qu’elle jette un jour précieux sur la « philosophie » de Wagner.


II


Aujourd’hui que le nom de Feuerbach va s’éteignant dans un grandissant oubli et que la lecture de ses ouvrages nous paraît aussi ennuyeuse que celle des discours prononcés au Parlement de Francfort, il faut un grand effort d’imagination pour se figurer la gloire dont jouissait, à l’époque des révolutions allemandes, cet anti-philosophe. Cette notoriété exagérée, Feuerbach la devait à tout un concours de circonstances diverses : les uns lui donnaient leur confiance parce, qu’il avait été à l’école de Hegel, les autres, précisément, parce qu’il s’en était détaché. Les libres-penseurs l’acclamaient comme un démolisseur de la religion, tandis que les âmes pieuses pensaient (avec lui), que sa doctrine ne reniait point l’ex-théologien, qu’elle était, au contraire, « la vraie philosophie de la religion », qu’elle « donnait à la vie, comme telle, une signification religieuse », que « la philosophie devait, comme philosophie, devenir religion » ; les Buchner, les Moleschott, et les Vogt saluaient en lui le philosophe du matérialisme, et de futurs disciples de Schopenhauer, comme Frauenstaedt se sentaient attirés vers l’homme qui avait dit : « En arrière, je m’accorde parfaitement avec les matérialistes : en avant, non pas[1]. » Cependant, il y avait une chose que les hommes de tous les partis devaient reconnaître à Feuerbach :

  1. Aphorismes posthumes (Gruen, II, 308).