Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/177

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tout prendre, cette influence fâcheuse est sans grande importance, et l’on ne saurait attribuer beaucoup plus d’importance à la bonne influence que Feuerbach peut avoir exercée sur le maître, en éveillant sa pensée sur quelques points spéciaux.

Mais Wagner n’allait pas tarder à se dégager de ces influences : lui-même nous a raconté comment, en 1854, il a rencontré, « comme un présent céleste dans sa solitude » l’ouvrage de Schopenhauer : Le Monde comme Volonté et comme Représentation.

Il y aurait encore beaucoup à dire de Feuerbach, et en particulier à montrer que de nombreux points de contact existent entre lui et Schopenhauer, et que c’est précisémentde ces points-là que Wagner s’est emparé. Bien que Feuerbach fasse presque partout opposition à Schopenhauer, il n’en a pas moins servi, en quelque sorte, de pont entre Wagner et Schopenhauer[1].

Mais si Feuerbach a pu fournir quelques formules à la pensée du maftre, Schopenhauer lui apportait une forme complète. L’immense éruditon de Feuerbach peut avoir pourvu Wagner de matériaux : pierres de taille, briques, gravois et blocs de marbre, tout cela pêlemêle ; Schopenhauer, par contre, fut pour lui un puissant et utile architecte.

  1. Feuerbach lui-même, dans les dernières années, s’est senti toujours plus attiré vers Schopenhauer. Dans un fragment posthume sur la Philosophie morale, il écrit : « Schopenhauer, qui se distingue entre tous les philosophes spéculatifs de l’Allemagne par sa franchise, sa clarté et sa netteté, a fait ressortir la pitié, au lieu de tant de creux principes philosophiques, comme vraie base de la morale ». Feuerbach va même jusqu’à se dire pessimiste !