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trouver la matière de ce drame nouveau, que pressentaient ainsi, depuis plus d’un siècle, les poètes et les musiciens. Cette matière, c’est Wagner qui l’a trouvée, quand il a donné pour sujet au drame idéal « le purement humain, dégagé de toute convention ».


IV


Un musicien seul, en vérité, pouvait apercevoir aussi clairement cette loi fondamentale du drame. Car de tous les arts humains la musique seule est, d’une manière exclusive, purement humaine ; elle seule n’exprime jamais rien de spécial, d’accidentel, d’individuel. Comme le disait Wagner dans un de ses écrits de jeunesse, « ce que la musique exprime est éternel, infini et idéal ; elle ne dit pas la passion, l’amour, le regret de tel ou tel individu dans telle ou telle situation, mais la passion, l’amour, le regret mêmes ». Et ainsi la musique se trouve être la condition indispensable de cette limitation du drame au purement humain.

Je ne saurais avoir l’intention ici d’approfondir avec Wagner la philosophie de la musique. Wagner n’a fait, d’ailleurs, que reprendre à ce sujet les idées de Schopenhauer, dont il a fait, dans son écrit sur Beethoven, un développement plein de profondeur et de poésie. Mais sa théorie du drame poético-musical était arrêtée dans son esprit bien avant qu’il ne connût Schopenhauer ; et c’est elle seule qui nous importe aujourd’hui.

Il nous est cependant indispensable de rappeler ici, pour l’intelligence de cette théorie, que la musique, suivant Wagner, par l’inconcevabilité logique de son