Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/257

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je dirai tout, parce que c’est moi qui te conduirai par la main. »

C’est que la musique a, elle aussi, son langage, « un langage nouveau, capable d’exprimer l’illimité avec une précision incomparable. » Ce langage a été développé, amené à la maîtrise parfaite de ses moyens par les grands symphonistes. Et aujourd’hui, « avec les symphonies de Beethoven, nous traversons la frontière d’une période nouvelle de l’histoire de l’art ; » et la dernière symphonie de Beethoven est « l’Évangile de l’art de l’avenir ».

Ainsi Wagner, tout en prenant le point de départ de sa théorie du drame dans la tragédie grecque, ne songe nullement à une résurrection de cette forme d’art disparue. Le Dramma per musica italien, tel surtout qu’il s’est développé dans les dernières œuvres de Gluck, constitue en une certaine mesure un essai de résurrection de ce genre ; mais pas du tout le drame de Wagner. Ce drame est, au contraire, fondé sur les dernières conquêtes de celui de tous les arts qui est arrivé le dernier à sa maturité : la musique.

Et que l’on ne croie pas que ces sacrifices mutuels de la poésie et de la musique constituent le moins du monde une entrave pour ces deux arts. Certes il y a tout un genre de beautés qui sont de mise dans les arts isolés, et qui ne sauraient trouver leur emploi dans le drame[1]. Mais, en revanche, la collaboration de la musique « donne au souffle de la poésie une plénitude incomparable » ; et la musique à son tour trouve

  1. De là vient, soit dit en passant, l’impossibilité absolue de séparer, dans les drames de Wagner, le texte et la musique, et de les examiner d’après les règles spéciales de chacun des deux arts.