Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/267

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bler le coup d’œil que nous cherchons à jeter dans son processus intérieur : accidents dus au hasard, pénurie ou pression du moment, mille causes peuvent agir en ce sens de détermination fortuite, et dès qu’on aborde le détail, on court le risque, bien souvent, de confondre l’essentiel et l’accessoire. Qu’on lise l’admirable biographie de Mozart, par Jahn : on y verra que bien des choses, qu’une critique dénuée de sens critique croit devoir admirer, furent le fruit du besoin seul, du besoin qui força la main au maître, à l’encontre de ses convictions meilleures. Chez Wagner, il est vrai, l’indépendance du génie créateur est absolument hors de pair ; à partir du Tannhäuser on peut dire que les circonstances extérieures n’ont pas eu d’influence, même la moindre, sur sa production artistique ; et, sous ce rapport, l’étude de son développement permet un coup d’œil d’ensemble autrement compréhensif que pour tout autre artiste connu. Mais, ainsi que le démon de Socrate ne pouvait que l’avertir, si celui de Wagner l’empêcha maintes fois d’accepter des compromis et de faire violence à ses convictions artistiques, il n’en reste pas moins des blancs et des lacunes, là où le maître n’a pas créé, parce qu’il en a été forcément empêché par sa lutte sans trêve contre un monde hostile. Aussi la plus grande précaution est-elle nécessaire, si nous ne voulons nous faire une image faussée de son développement réel. Même en nous imprégnant des chefsd’œuvre de sa maturité, nous risquons de faire fausse route. À proprement parler, il ne faudrait que voir et entendre les œuvres d’art, non les discuter ; de cela, tout véritable artiste tombera d’accord. On ne peut considérer les œuvres du génie artistique que comme des révélations ; nul ne saurait en sonder le mystère. De ce « mystère » Wagner dit : « Nous ne