Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/271

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cieux n’en reste pas moins l’impression intime et profonde, qui ne saurait se communiquer par des mots et des phrases.

Donc, dans ces chapitres, je ne me propose que d’esquisser à grands traits le développement artistique de Wagner, et ensuite, par un rapide examen de ses chefsd’œuvre, d’inviter le lecteur à une conception plus profonde de ces drames admirables ; et cela même serait à peine nécessaire, si nous n’avions, probablement pour longtemps encore, à prévoir l’exécution de ces œuvres à titre « d’opéras », classés au répertoire ordinaire, et à assister à leur représentation sur des scènes d’opéra et à leur interprétation par de simples chanteurs d’opéra. En présence d’une semblable déformation, une dissertation théorique a peut-être encore quelque raison d’être ; mais, pour trouver le vrai, le seul contact probant avec les œuvres de Wagner, il n’y a qu’un moyen : assister aux représentations de Bayreuth.

Plus vraiment significatif sera ce chapitre en ce qui concerne la compréhension intime de l’individualité de Wagner. « C’est par leurs ouvrages poétiques que les autres hommes nous sont le plus accessibles », dit Gœthe, dans un passage où il parle de ce qu’a de merveilleux et de presque incommunicable tout ce qui est individuel (Lettre à Schiller, du 3 mars 1799). En effet, dans le Tristan et Iseult de Godefroy de Strasbourg, l’image de l’auteur inconnu se réfléchit plus vive, pour notre œil intérieur, que cela ne serait le cas dans une biographie détaillée ; il en est de même du Tristan et Iseult de Wagner. Si, par quelque catastrophe, toutes les données sur sa vie étaient anéanties, et que ses œuvres seules nous fussent restées, nous connaîtrions mieux ce grand homme, son individualité prendrait plus