Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/300

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conquête du monde entier, cette histoire rentre dans celle de notre siècle, plutôt que dans la biographie de leur auteur, et cela d’autant plus que ces deux opéras, parvenus à une popularité sans exemple, ne doivent point être confondus avec les drames que le maître avait en vue. Celui qui n’a vu Tannhäuser et Lohengrin que sur une scène d’opéra ne les connaît point, ou n’en connaît qu’une contrefaçon. Et en le disant, je n’exprime point une opinion empreinte d’exagération personnelle, je ne fais que répéter les assertions réitérées de Wagner lui-même. Au sujet des premières représentations à Dresde de son Tannhäuser, il avoue que le souvenir l’en fait « frissonner ». D’autres représentations données ailleurs, il dit : « Je crois devoir reconnaître, en toute modestie, que le succès qu’à eu jusqu’ici mon Tannhäuser sur les scènes allemandes ne reposait, que sur le plaisir que pouvaient en donner certains détails lyriques, tandis que je garde, des représentations à moi connues, l’humiliante impression que ce n’était point le Tannhäuser, tel que je l’avais conçu, qu’on y exécutait, mais seulement des fragments épars de ma partition, dans lesquels l’important, le capital, le drame, était laissé dans l’ombre comme un détail insignifiant ». Il écrit à Roeckel que les exécutions de Tannhäuser et de Lohengrin demeurent pour lui « sans aucun intérêt artistique » ; et à Liszt : « En livrant Tannhäuser et Lohengrin aux brocanteurs de théâtre, je les ai répudiés : maudits par moi, ils ne devaient plus que mendier mon pain, me rapporter de l’argent ! » Sans cesse il prie ses amis de ne rien lui faire savoir des représentations de ses œuvres ; le 1er  mars 1870, il s’écrie : « N’en rien vouloir apprendre, ni savoir, telle est ma seule attitude à l’égard de l’exécution de mes œuvres ! » Et, en 1878, il