arrivé par la réllexion, mais seulement grâce à l’expérience pratique, conduit par la nature même de mon intention artistique. Je me souviens d’avoir, avant même de m’être mis vraiment à l’œuvre du Vaisseau Fantôme, composé d’abord la ballade de Senta, dans le deuxième acte, en vers et en musique ; c’est dans ce morceau que je fixai inconsciemment le germe thématique de tout l’opéra : c’était l’image condensée du drame entier, tel qu’il apparaissait à mon âme ; et quand il me fallut trouver un titre pour mon travail, une fois terminé, je fus tenté de l’appeler « ballade dramatique ». Lorsqu’enfin je procédai à la composition musicale de l’œuvre entière, l’image thématique reçue en moi s’étendit malgré moi sur tout le drame, le recouvrant ainsi qu’une trame demi-transparente ; je n’avais plus, sans que ma volonté y fût pour rien, qu’à développer plus avant les germes thématiques que contenait la ballade dans leurs directions propres, et tous les principaux moments de l’œuvre m’apparaissaient d’eux-mêmes en formes thématiques distinctes. Ilm’eût fallu, par contre, m’entêter arbitrairement, pour agir en compositeur d’opéra et pour trouver des motifs différents et nouveaux pour les diverses scènes où tel ou tel sentiment se retrouve, afin d’exprimer ce dernier ; mais je n’en éprouvai pas la moindre envie, voulant arriver à exprimer mon sujet le mieux qui fût possible, et non point à produire un conglomérat d’airs d’opéra. Pour Tannhäuser, je procédai de même, aussi pour Lohengrin ; seulement, là, je n’avais pas d’avance un fragment musical terminé comme la ballade de Senta ; mais seulement, une image, sur laquelle se concentraient les rayons thématiques, image qui faisait naître d’elle-même les scènes et leur enchaînement organique, et se transformait au fur et à
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