Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/336

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Comme le maître l’a dit plus tard : « Il exprime la plainte amère de l’homme résigné, qui garde, vis-à-vis du monde, un visage empreint de gaîté et d’énergie. » Cette introduction au troisième acte peut être considérée comme le point culminant du drame ; la situation, dès lors, nous est connue, nous avons pu jeter plus d’un regard au fond du cœur de Sachs, et maintenant, pendant que le rideau baissé nous cache encore le tableau coloré de la scène, nous assistons, les yeux fermés, au dernier combat qui se livre dans le sein du héros. D’abord, la plainte ; mais bientôt, le souvenir de ses créations artistiques la domine chez Sachs ; on dirait que, dans sa large poitrine, l’Éternel ait fait taire ce qui n’est que passager ; c’est avec une profonde pitié qu’il se contemple lui-même, puis il lève son regard vers ce que son moi garde de plus haut ; puis, une fois encore, le thème plaintif retentit, mais, cette fois, il se déroule avec une largeur et une force majestueuse, avec l’expression puissante de l’ébranlement subi par une âme saisie jusqu’aux moelles, et « calmé, apaisé, ce thème atteint à la gaîté suprême d’une douce et bienheureuse résignation ».

Plus particulière, plus inattendue encore est peut-être la signification à laquelle atteint la musique de la dernière scène du drame, là où les divers thèmes principaux, tissés en une trame polyphonique admirable, enlacent et enguirlandent le discours de Sachs : « Vénérez vos maîtres allemands ! » comme si tous les hommes aspiraient à « émerger, au seul contact de cet homme grand et bon, hors de toutes les misères de la vie », comme si tous se sentaient ennoblis, élevés au-dessus d’eux-mêmes par le regard et par la parole du sage. C’est ce passage, entre tous, qui, sur la scène, agit puissamment, irrésistiblement, surtout lorsque le peuple