Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/355

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moment où Brünnhilde, devant le cadavre de Siegfried, s’écrie, les yeux levés :

Ô vous les gardiens sacrés des serments, abaissez votre regard sur la fleur éclatante de ma douleur : contemplez votre faute éternelle !

Écoute ma plainte, toi, le plus haut des dieux ! C’est pour son haut fait que toi, qui pourtant l’appelais de tes vœux, oui, c’est pour son héroïsme, que tu as abandonné le héros à la ténébreuse puissance d’une ruine sans nom.

Pour une exposition plus détaillée du cours de l’action, comme pour les considérations que suggère la musique de ce drame dans ses rapports avec cette action, je me permets de renvoyer le lecteur à mon ouvrage déjà souvent cité : Le Drame wagnérien. Il me suffira ici d’avoir fait comprendre au lecteur comment, dans l’Anneau du Nibelung, Wagner a élargi et dilaté le drame jusqu’à des proportions inconnues avant lui. Incontestablement, si le poète a pu atteindre ce but, c’est qu’il disposait « de toute la richesse de l’expression musicale ». Quel autre qu’un musicien eût pu créer une grande tragédie où, comme c’est le cas dans le Crépuscule des dieux, le héros ne paraît pas sur la scène et n’en est pas moins partout présent ? Mais qu’on avoue au moins, devant ce merveilleux résultat, que celui qui a pu élever la musique à ce degré de puissance fut bien, aussi, l’un des plus puissants poètes qui jamais aient chanté !