Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faible à qui la pitié est due, mais bien la miséricorde dans l’âme du fort, qui représente le but à atteindre. » Et en fait, ce qui caractérise Parsifal, et ce qui l’apparente de si près à Siegfried, c’est sa force ; comme Siegfried, il est bien un héros, le héros de l’action. Auparavant, Wagner avait conçu tout autrement un sujet analogue à beaucoup d’égards : c’était en 1856, précisément entre le premier projet de Tristan (1854-1855) et le premier projet de Parsifal (1857) ; dans ce drame les Vainqueurs, dont l’Inde du Bouddha est le théâtre, la force des héros Ananda et Prakriti se manifeste, strictement conforme à l’idée hindoue et pessimiste, par le renoncement, par le vœu de chasteté ; une esquisse antérieure de Parsifal se termine aussi par ces mots :

Grand est le charme du désir,
Plus grande la force du renoncement !

Dans le Parsifal définitif, par contre, le renoncement ne trouve plus de place, et la pitié y engendre l’acte, l’acte dont la victoire est le fruit. Dans tous les drames de Wagner, il n’est pas de héros plus avare de paroles : dans le premier acte, Parsifal ne parle presque pas, dans le troisième fort peu, et dans le second, où sa prétendue loquacité arrache tant de soupirs aux critiques, son rôle se compose d’à peine une centaine de vers, dont beaucoup ne comptent qu’un, ou de deux à quatre mots ; pour Parsifal, vivre, c’est agir. Et combien domine en lui la volonté, c’est-à-dire le besoin d’action, c’est ce qui se manifeste dès le début. C’est lui-même qui a taillé son arc, comme Siegfried a forgé son épée ; il a quitté « le désert bienheureux » où il vivait avec sa mère, pour batailler à travers le