Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/370

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grand’chose à y ajouter, et ne saurais guère que me répéter. Comme dans les autres drames de la seconde phase, l’action est tout intérieure. Le centre indispensable, fixe, c’est le Graal ; car il est le symbole visible, qui relie ce qui se passe dans l’âme de Parsifal à ce qui se passe autour de lui. En assistant, spectateur muet, à la scène du temple du Graal, en entendant les plaintes d’Amfortas et l’harmonie des saints cantiques qui parlent de foi, d’amour et d’espérance, en prenant sa part de la bénédiction attachée à la contemplation du Graal, en voyant les chevaliers échanger le baiser fraternel, le jeune homme reçoit des impressions qui resteront déterminantes pour sa vie à venir ; c’est ce qui permet aussi l’unité musicale et qui fait des sons dont s’accompagne l’image, des plaintes d’Amfortas, des chants dans le temple du Graal, le langage propre à traduire les mouvements les plus intimes du cœur de Parsifal. Et ces mouvements constituent le drame, le vrai, ou plutôt il n’y a ici qu’un mouvement continu : le changement graduel du « simple[1] », qui suivait aveuglément sa volonté sans frein, en l’homme pleinement conscient, qui se reconnaît destiné à une noble tâche, qui courbe son vouloir au service de cette tâche, et qui, armé de son énergie purifiée, surmonte des obstacles et des épreuves sans nombre, soutient des « luttes et des combats », pour parvenir à la couronne réservée au plus fort des héros. En vérité, qu’y a-t-il là qui rappelle l’impuissance

  1. Le « simple », comme partout dans ce chapitre, est pris dans le sens du très vieux français : nicelot, auquel correspond littéralement l’allemand Thor. Parsifal (der reine Thor), c’est mot pour mot : « le pur simple ». Qu’on se garde toutefois, de voir, dans la naïveté sous-entendue chez le héros primitif, aucun sens qui confine à la dépréciation.