Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/398

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maître allemand. Non, hélas ! qu’il pût espérer de couvrir les frais : on avait été forcé, en effet, de mettre les billets en vente et d’attirer ainsi tout un public de curieux et de détracteurs. Ce que Wagner attendait des auditeurs, ce n’était point de l’admiration pour son œuvre à lui, que lui importait ? mais la constatation d’un genre artistique tout nouveau dans l’histoire du monde ; il avait le droit de compter enfin que l’effort qui avait produit le Festspiel de Bayreuth, cet effort si désintéressé pour doter le peuple allemand d’un théâtre original, d’un style musical vraiment national, d’une forme dramatique sortie de ses entrailles mêmes, que cet effort trouverait des juges bien disposés, indulgents, sympathiques. Combien il se trompait ! Aux côtés des quelques centaines seulement de ceux que l’enthousiasme pour l’art allemand avait amenés à Bayreuth, toute la horde hostile des émissaires du camp ennemi avaient su, grâce au facile déguisement des « diplômes de patronat », se glisser dans la salle. Pendant les années si difficiles de la construction et des préparatifs, la presse allemande avait cherché, de tout son pouvoir, à entraver l’œuvre commencée, par des alternatives de dédaigneux silence et d’acerbe moquerie ; elle y avait, en partie, réussi. « Je n’avais jamais cru que vous aboutiriez ! » dit l’empereur Guillaume à Wagner ; c’est que les journaux avaient pris soin que personne, du monarque à l’ouvrier, n’y pût croire ! Et pourtant le maître avait enfin abouti ! Et maintenant, c’étaient les représentants de cette même presse qui prenaient place dans l’enceinte consacrée du Festspielhaus, qui ne leur était certes pas destinée, et qui remplissaient consciencieusement leur mandat, de tout déchirer, de se moquer de tout… Quelques-uns de ces messieurs étaient les mêmes qui avaient amené,