Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/89

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bien que ce n’est que quelques années plus tard que cette apparition devait se traduire en un projet arrêté : néanmoins, Parsifal relève incontestablement de l’Anneau et de Tristan, et lui aussi, en un sens, peut être envisagé comme un « complément dramatique » ; et il est certain que, dès le printemps de 1857, sa forme, tant poétique que musicale, commença à se dessiner nettement dans l’imagination du poète.

Telle fut la vie de Wagner de 1849 à 1859. À côté et en dehors de ces manifestations de son génie, ce qu’on appelle les événements n’ont aucune importance réelle.


2. — 1859-1866.


J’ai fait entendre déjà que Richard Wagner, pour persévérer dans la voie que son génie le forçait à suivre, avait été obligé de rompre, l’un après l’autre, des liens d’amitiés secourables. Accepter des secours, il le pouvait, mais non porter des chaînes. Il y a plus : après tant d’années de travail silencieux et ininterrompu, un désir le pressait, celui d’entendre de la musique, sa musique, d’éprouver la bienfaisante action de ses propres œuvres, exécutées sur la scène. Déjà en 1857, il se plaint de ce que son existence lui devienne insupportable, sans ce rafraîchissement, l’exécution d’une de ses œuvres ; en 1859, presque désespéré, il s’écrie : « De l’art, de l’art, à m’y noyer jusqu’à l’oubli du monde, cela seul pourrait me guérir… Enfants ! j’ai peur qu’on ne me plante là trop longtemps, et quelque jour vous aurez à vous dire en parlant de moi : Trop tard ! ». Et c’était vrai, on le « plantait là » ; ses amis ne le comprenaient plus ; en même temps, il recevait la nouvelle que son recours en grâce venait d’être rejeté