Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/93

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laquelle il avait cherché, à renouer avec le théâtre moderne. Ce ne fut qu’à de rares intervalles, et pour de courts moments, toujours dans un but déterminé et temporaire, que Wagner fut dès lors appelé à coopérer à des représentations théâtrales ou à y aider par ses conseils ; il s’était bien enfin dégagé du théâtre moderne, comme de la nécessité de se livrer à des tentatives qui ne pouvaient être que des avortements. Bientôt il put construire sa propre scène, son Festspielhaus, dans un coin ignoré d’Allemagne ; et dans l’intervalle, depuis sa fuite de Munich jusqu’à son arrivée à Bayreuth (de décembre 65 à avril 72), il put vivre « dans cet asile silencieux » de Suisse, dont l’isolement lui avait pesé, en 1859, mais cette fois, joyeusement, librement, sans soucis rongeants, tout à son activité créatrice, bien mieux certes qu’il n’eût pu le faire à Munich.

Un seul événement, mais gros de conséquences, avait marqué le séjour à Paris, de 1859 à 1862 : il fit assez de bruit pour qu’on sache que je veux parler ici des représentations de Tannhäuser au Grand Opéra, les 13, 18 et 24 mars 1861, et du scandale inouï auquel elles donnèrent lieu. La presse, là comme partout, avait fait rage contre Wagner ; elle trouva de complaisants alliés chez les membres du Jockey-Club, frustrés de leur amusement favori, le ballet. Ces deux éléments, renforcés d’une claque payée par eux, firent tant et si bien, par leurs sifflets ; leurs huées, et leurs vociférations, qu’on ne put rien entendre de l’œuvre, et que l’auteur se vit forcé de retirer la pièce après la troisième représentation. Mais, quand on apprend la part que prirent à ces manifestations scandaleuses des membres de la nation allemande, quand on voit que le grand public prit le parti du maître contre la tyrannie de la