Page:Chamberlain - Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, 1900.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

artistiques. C’était un petit cercle, mais les noms qui s’y rencontrent étaient parmi les meilleurs ; et il ne marchanda pas à Wagner ce que l’Allemagne, si l’on excepte Liszt et Bülow, lui avait toujours refusé : le respect.

Wagner lui-même rend ce témoignage à l’intelligence française. « Ce qu’avaient compris mes amis français, et ce que mes confrères et critiques d’Allemagne taxaient de ridicule chimère rêvée par mon orgueil, c’était en réalité une œuvre d’art qui, se séparant nettement de l’opéra comme du drame moderne, s’élevât au-dessus de l’un et de l’autre, en empruntant à tous deux leurs tendances spéciales les plus excellentes, pour les conduire au but, fondues dans une unité idéalement libre ». Déjà en 1853, la comtesse de Gasparin, avait écrit : « Un jour, je ne sais lequel, Wagner régnera souverainement sur l’Allemagne et sur Ja France. Nous ne verrons cette aurore, ni vous ni moi, peut-être ; qu’importe, si de loin nous l’avons saluée ? »

Qu’on relise les articles enthousiastes de Charles Baudelaire, qu’on le voie, lui, le puriste épris de la forme, le disciple de Théophile Gautier, signaler, dans les œuvres de Wagner, « l’admirable beauté littéraire » ! Avec quelle justesse il y discerne la parenté qu’il y a entre elles et les tragiques grecs, et quelle justesse encore dans sa remarque, que Wagner ne se berce pas, comme Gluck, de l’espoir d’une renaissance du passé, mais qu’il est bien le créateur d’une forme nouvelle, l’artiste d’un avenir qui déjà fermente en lui[1] ! Si l’on veut un exemple de compréhension plutôt musicale, et pour ainsi dire théâtrale, qu’on parcoure les

  1. On trouvera les articles de Baudelaire sur Wagner dans le troisième volume de ses Œuvres complètes.