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Page:Chambon - Notes sur Prosper Mérimée, 1902.djvu/484

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458 NOTES SUR PROSPER MÉRIMÉE

la façon la plus incontestable, l'influence française sur la civilisation espagnole. Je ne vois pas un argument à vous opposer. Je nous demande la permission de garder quelques doutes sur la formation de la langue. Il a paru dernièrement dans le Journal des Savants une suite d'articles très curieux de M. Littré sur divers patois fran- çais. Je vous les recommande. Je trouve qu'il explique assez bien comment le latin s'est corrompu partout à la fois et de vingt manières différentes. Ainsi les Normands ont dit chien, les Picards kien, les provençaux eau et les Languedociens tchin. Tous ces mots viennent de canis, mais par la même raison que chaque province a son accent particulier, chacune a corrompu le latin à sa façon. Quant au Yalaquc, l'influence française a peut-être importé quelques mots, mais le fond est du latin déna- turé selon une forme autre que la nôtre. Dernièrement j'ai eu occasion de lire une grammaire de la langue alba- naise et j'y ai trouvé un certain nombre de mots français évidemment importés par nos gens. Mais ces mots sont isolés. Le fond de la langue est resté. Le français y est, dans une moins grande proportion, ce que l'arabe est dans l'espagnol. C'est là, je crois, toute l'influence que peut exercer une colonie dans le voisinage d'une civili- sation supérieure.

« Pendant que je suis en train de critiquer, voici un vers 1001 sur lequel j'appelle votre attention :

E lias siellas couras e las cinchas amoiadas

« Vous traduisez par « des sangles assouplies », et en note vous faites remarquer que le Cid oppose le luxe de l'armée du comte Raymond avec la pauvreté de la sienne.