Page:Chambre d'assemblée du Bas-Canada, vendredi, 21 février 1834.djvu/39

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état de la province.

doute que s’il y avait quelque analogie entre nos institutions et celles de l’Angleterre, l’opposition qui règne entre le Gouverneur, le Conseil, et la Chambre exigeait une dissolution. Pour notre part, on aurait dû cesser toute communication, si la détresse n’eût pas été aussi grande dans le pays. Mais quand on ne nous a retenus en session, que pour nous faire part des violences dont on nous menaçaient, nous devons dire qu’à une époque plus reculée nous devons avoir des libertés qui nous appartiennent, et qui ne nous ont pas été données comme à bien d’autres colonies. En cela, nous remplirons notre devoir envers l’Angleterre, en lui disant qu’un changement de système rendra plus durable l’alliance entre les deux nations. Ceux qui n’approuvent pas les changemens proposés, auront sans doute d’autres systèmes à nous soumettre ; et nous serons prêts à les écouter et à les adopter, s’ils sont meilleurs, c’est-à-dire plus libres. Mais s’ils n’ont que des phrases à nous donner, je ne comprends pas comment ils pourront se faire entendre et se faire croire. Je ne me suis étendu ici que sur des apperçus généraux, ne croyant pas, quand tous les membres ont lu les résolutions, qu’il fut nécessaire de les examiner en détail ; c’est ce qui pourra se faire à mesure qu’elles seront soumises à la décision de l’assemblée. Je dois néanmoins appeler l’attention des membres sur une certaine considération, c’est que dès le commencement de ce parlement, on s’est élevé contre les abus du conseil, et l’on a déclaré que le seul remède serait le principe électif, et un moyen sûr de calmer les mécontentemens. Si des membres alors, effrayés de la nouveauté de ces propositions, ont voté contre elles, ce n’est pas qu’ils croyaient le conseil bien constitué, mais c’est qu’ils espéraient qu’on le réformerait ; qu’ils comptaient sur les promesses qu’on nous en avait faites ; et qu’ils croyaient que ces promesses se réaliseraient. Ils ont pu voir depuis, que ce n’était qu’illusion et qu’on se jouait de nous. Quelques-uns des membres de la majorité de la chambre, portés dans le conseil, n’y peuvent siéger ; ils y sont flétris par les libelles de leurs confrères, comme nous le sommes nous-mêmes. Les résolutions du conseil l’année dernière, établissant des distinctions nationales, sont une insulte pour eux comme pour nous. Est-il surprenant qu’ils ne veulent pas y siéger ? Ils n’ont pas même daigné envoyer leurs raisons à l’appel nominal, qui a eu lieu dernièrement. Ils avouent qu’ils ont été séduits, trompés ; qu’on leur avait promis de leur adjoindre des hommes qui représentassent les sentimens du peuple, et on ne l’a point fait. Peut-on porter plus loin la conviction que ce corps ne peut faire le bien ? On m’a appellé à l’ordre, en prétendant que j’avais dit que le conseil était un opprobre. Je n’avais point dit cela ; j’avais dit que dans l’opinion publique, le refus de quelques conseillers de se rendre à l’appel nominal devaient induire à croire, qu’on regardait comme un opprobre d’appartenir à ce corps. Ce n’était pas une opinion que j’émettais, c’était des faits qui me conduisaient à cette conclusion. Quant aux résolutions, il est impossible, que si quelqu’un y objecte, il n’y ait pas de discussion. Pour ma part je ne voudrais pas prendre l’attention de la chambre trop longtemps, ni trop souvent, et priver qui que ce soit du plaisir de prendre part dans une discussion si intéressante pour tous. Ce n’est pas parceque ces sentimens sont les miens, qu’ils doivent avoir du poids. C’est une erreur de croire que quand des opinions appartiennent à un homme plutôt qu’à un autre, malgré qu’elles soient nouvelles et dangereuses, elles devront entraîner l’assentiment du peuple. Si mon nom est plus souvent cité, exposé à plus d’animosité, et défendu par plus de vrais amis, ce n’est pas parceque mes sentimens me sont propres, mais parce qu’ils sont ceux de tous, et qu’ils rencontrent ceux de tous ; au moins de ceux qui ont des intérêts communs avec le peuple. En effet, il n’est aucune occasion où la majorité de la chambre ait décidé quelque chose qui ne rencontrât pas l’opinion de nos constituans : la chose est même impossible. Si la majorité vote ces résolutions, on doit croire qu’elle sera appuyée par le peuple. Il est d’autant plus important de nous montrer fermes aujourd’hui, que le bureau colonial emploie contre nous des menaces ; parceque peut-être on lui aura dit que de gros mots nous feraient fléchir. Si aujourd’hui nous ne le fesons pas, nous le ferons encore bien moins plus tard. Si nous démontrons les défauts du système actuel, et que nous disions franchement la vérité, dans ce cas, croyons que nous deviendrons de plus en plus forts. Si le gouverneur croyait que nous ne représentions pas les sentimens du peuple, il devait nous dissoudre. Pourquoi donc ne l’a-t-il pas fait ? Il trompe et trahit l’Angleterre. Il a peut-être espéré que la cabale le ferait réussir dans cette chambre, et dans cette persuasion il a négligé d’employer les moyens constitutionnels. Quelle sera donc sa défense ? Il calomniera le peuple et dira que c’est son ignorance qui l’entraine dans des écarts ; ou bien il osera soutenir que ces résolutions ne sont que l’expression des sentimens de la chambre : le peuple en sera le juge. Je crois que ceux qui ont voté l’année dernière contre un conseil électif, conviendront cette année que c’est le seul moyen de sortir de l’embarras ; et qu’ils s’étaient mépris, quand ils comptaient sur de bons choix. Il est clair qu’ils devront être mauvais, parceque ceux qui ont le pouvoir seront toujours portés à en abuser, et que les probabilités sont de 99 contre un, que l’Exécutif fera comme il a toujours fait. Aujourd’hui que toute confiance sous ce rapport est détruite, il nous faut donc chercher dans de nouvelles combinaisons politiques un remède, qui puisse calmer les mécontentemens. L’Angleterre ne pourra pas trouver notre demande étrange