Page:Chambre d'assemblée du Bas-Canada, vendredi, 21 février 1834.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
état de la province.

attaques les plus virulentes, les libelles les plus mensongers, les épithètes les plus injurieuses ; quelques lâches ligués ensemble, et se couvrant lâchement du manteau de l’anonyme, vont au point d’attaquer la conduite privée de plusieurs membres de cette chambre. Si l’exécutif n’était pas radicalement vicieux, s’il entendait son devoir, ou plutôt voulait le faire, de pareils écrits seraient-ils tolérés ? je le demande quel peuple au monde, si j’en excepte les Canadiens, souffrirait longtemps au milieu de lui, une presse soldée par ses ennemis et qui ne cesserait de lancer contre lui et ses représentans les calomnies les plus injurieuses et les plus mensongères, comme le font journellement au milieu de nous quelques unes des presses anglaises ? mais laissons ces ennemis méprisables pour suivre le ministre dans ses dépêches. Ce monsieur ne se contente pas de nous donner une mercuriale, il va plus loin, il nous fait des menaces ; il ajoute ce ministre impérieux : si vous ne compromettez les intérêts de ceux que vous représentez, je m’adresserai au parlement impérial pour trouver un remède. Vraiment il croyait s’adresser, je suis porté à croire, aux esclaves des îles, mais qu’il apprenne que le peuple canadien, que ses représentans, ne craignent point de pareilles menaces ; que le ministre se détrompe s’il croit que nous ne résisterons point avec énergie à ce que nous regarderons comme des outrages et des injustices ; s’il croit que nous ne lui renverrons point avec mépris les chaînes qu’il voudrait nous imposer, en assurant en même temps que nous avons trop de confiance dans la magnanimité du peuple anglais et dans les talens et l’honneur de ses représentans, pour supposer qu’ils se prêteraient aux vues tyranniques d’un despote. Non, le gouvernement de la métropole ne souffrira jamais que la prophétie du marquis de Lafayette à l’égard de ce pays se réalise ; quand ce père de la liberté disait à un officier de Sa Majesté Britannique, et cet officier était mon père, qui fut fait prisonnier à la bataille de Burlington, sollicitait son intervention auprès des autorités américaines pour obtenir quelque adoucissement dans sa captivité : non, le répondit ce grand personnage, puisque vous vous battez pour être esclave, soyez-le… C’est maintenant le moment propice, M. le Président, de faire connaître au gouvernement britannique, que si nous lui sommes attachés, si dans toutes les occasions nous et nos ancêtres nous nous sommes montrés loyaux, et toujours prêts à voler aux frontières pour défendre le pays d’une aggression étrangère, il ne s’ensuit pas que nous consentirions à être gouvernés avec un sceptre de fer, à continuer d’être le jouet de quelques hommes intriguans, qui trompent les gouverneurs et les portent à des excès qui font notre malheur. Le peuple canadien connaît trop bien ses droits, il ne souffrira jamais qu’ils soient impunément violés. Encouragé sans doute par la conduite du ministre, le gouverneur suit son exemple : en effet ce n’est que peu de jours après nous avoir dit qu’il espérait un résultat favorable de nos travaux, qu’il vient mettre toutes les entraves possibles à nos procédés. Il refuse de nous faire les avances nécessaires pour nos dépenses à moins qu’on ne lui donne une garantie par un bill. N’est-ce pas nous dire qu’il n’a aucune confiance en ce corps ? et quelle raison peut l’induire à en agir ainsi ? ne devait-il pas être convaincu que si le fonds approprié pour cet objet n’était pas suffisant, nous sommes liés en honneur ? n’a-t-il pas notre promesse par écrit, que nous lui fournirons le déficit à même les autres fonds ? Un pareil refus démontre bien, suivant moi, un désir évident de faire manquer la session aussitôt après qu’il a eu le plaisir de nous faire parvenir ces dépêches insultantes, que peut-être son influence auprès du ministre a suscitées. Mais ce n’est pas tout, dans maintes occasions le gouverneur s’est refusé de nous communiquer des papiers dont nous avions absolument besoin, qu’il était tenu de nous communiquer et sans lesquels nous ne pouvions efficacement procéder ; je citerai, entre autres, copies des opinions des hommes de loi qu’il avait consultés au sujet du writ d’élection pour le comté de Montréal, un compte des ventes semestrielles des terres de la couronne par le commissaire de la couronne, le bail des forges de St.-Maurice renouvelé pour dix autres années, et je ne cesserais si je récapitulais tous les refus de cette nature que nous avons essuyés et qui ont été autant d’entraves à nos procédés. Tant d’abus, M. le président, auront l’effet, je m’en flatte, de nous convaincre tous que dans cet état de choses, le bien du pays ne peut avoir lieu, et qu’il est urgent que nous fassions parvenir a la mère-patrie, avec cette franchise qui doit appartenir à tout bon sujet, le tableau détaillé de nos griefs, et qu’elle sache que nous entendons avoir justice, et justice prompte et entière. —


Jeudi, 20e Février, 1834.
Continuation du Discours de M. Papineau.

M. Papineau :

M. Gates s’adressa plusieurs fois au comité du conseil exécutif pour avoir la permission de demeurer dans ce pays ; il obtint chaque fois des délais de 8 à 10 jours, tantôt du comité, tantôt du gouverneur Prévost ; on lui ordonnait alors de laisser la province. Ces demandes et ces ordres se répétèrent longtemps. Néanmoins, plus tard (il était alors moins martial qu’il l’a été depuis,) il apprend que ceux qui, dans les États-Unis, sont opposés à la guerre, sont exposés à des désagrémens et des pertes dans leurs affaires ; il change aussitôt de dessein. Il envoie donc une nouvelle requête au comité du conseil exécutif. Voici comme il s’exprime : —

« À l’hon. Conseil Exécutif de S. M. pour la province du Bas-Canada :

« Votre pétitionnaire prend humblement la liberté de représenter, qu’ayant ci-devant pétitionné vos honneurs pour avoir la permission de prêter le serment général d’allégeance et de rester dans la province, le délai qui s’est écoulé en donnant une réponse, et le bruit courant que ceux qui avaient prêté le serment de qualification (au nombre desquels était votre pétitionnaire) n’auraient point la permission de prêter le serment général, ont engagé votre pétitionnaire, après avoir attendu quelques jours, à saisir toute occasion pour se procurer des lettres de change, billets de banque et argent monnayé des États, et pour y transmettre ses fonds, et il avait commencé à le faire lors-