Page:Chambrier - Au delà (Fischbacher 1886).djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tandis qu’il se répand en longs cris gutturaux
Qui ne font qu’exciter un rire lourd et bête,
Une enfant pâle et douce à la rêveuse tête
Arrive près du groupe : elle est très jeune encor,
Ses longs cheveux tressés ont la couleur de l’or,
Un rayon de colère anime sa prunelle :
« Oh ! comme ils sont méchants, qu’ils sont lâches ! » dit-elle
Et courant au pauvre être, elle lui prit la main.
Tous s’étaient retirés pour lui faire un chemin
Et se sentaient honteux comme devant un ange
Échappé du ciel bleu pour visiter leur fange.
Comme le chien qui suit le bras qui le défend,
Le misérable fou se pressait vers l’enfant ;
Et plusieurs, la voyant si courageuse et pure,
Passèrent lentement, avec un sourd murmure,
Leur manche sur leur joue, et se dirent tout bas
Qu’ils possédaient aussi, dans leur pays, là-bas,
Des chérubins aimés aux chevelures blondes,
Avec des yeux d’azur pleins de lueurs profondes.


Pendant ce temps le pauvre idiot s’était mis à genoux devant l’enfant :

 
Un rayon s’alluma dans sa prunelle éteinte.
Et, lui tendant les mains dans une extase sainte,
Suspendu tout entier à ce pur regard bleu,
Il sembla l’adorer comme on adore un Dieu.