Page:Chambrier - Au delà (Fischbacher 1886).djvu/88

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Va demander au chêne ; il te dira peut-être
Pourquoi, s’il faut mourir, il faut quand même naître. »
La fourmi s’en alla vers le chêne géant :
« On doit savoir beaucoup, chêne, quand on est grand,
Dit-elle; réponds-moi : pourquoi faut-il mourir ?
Il serait si beau d’être et de ne point finir ! »
Mais l’arbre tristement branla sa haute cime :
« Comment saurais-je ça, fourmi, pauvre être infime
Que je suis ? Va plus haut, arrête le nuage ;
Peut-être qu’il pourra t’en dire davantage. »
La fourmi s’en alla : « Ô nuage, dis-moi,
Tu dois bien en savoir la raison, dis, pourquoi
Devons-nous tous mourir et quitter cette terre ?
Exister est si doux ; mourir est chose amère ! »
Le nuage pleura : « Va demander plus haut
Pourquoi nous devons tous disparaître si tôt ;
Je ne fais que passer…, la lune dans la nue
Peut-être le saura ; ce soir, à sa venue,
Va la questionner. » Quand l’astre de la nuit
Sur la terre jeta son doux regard qui luit,
La fourmi s’avança : « Belle lune, dit-elle,
Dis-moi, sais-tu pourquoi tu n’es pas immortelle ? »
La lune soupira : « Monte jusqu’au soleil,
Il est plus grand que moi, va guetter son réveil. »