Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/374

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qu’il avait commencée. On pourrait dire de même à ceux qui adoptent des principes plus forts que leur caractère : N’as-tu-pas honte de vouloir être philosophe plus que tu ne peux ?

— La plupart des hommes qui vivent dans le monde, y vivent si étourdiment, pensent si peu, qu’ils ne connaissent pas ce monde qu’ils ont toujours sous les yeux. Ils ne le connaissent pas, disait plaisamment M. de B., par la raison qui fait que les hannetons ne savent pas l’histoire naturelle.

— En voyant Bacon, dans le commencement du seizième siècle, indiquer à l’esprit humain la marche qu’il doit suivre pour reconstruire l’édifice des sciences, on cesse presque d’admirer les grands hommes qui lui ont succédé, tels que Boile, Loke, etc. Il leur distribue d’avance le terrain qu’ils ont à défricher ou à conquérir. C’est César, maître du monde après la victoire de Pharsale, donnant des royaumes et des provinces à ses partisans ou à ses favoris.

— Notre raison nous rend quelquefois aussi malheureux que nos passions ; et on peut dire de l’homme, quand il est dans ce cas, que c’est un malade empoisonné par son médecin.

— Le moment où l’on perd les illusions, les passions de la jeunesse, laisse souvent des regrets ; mais quelquefois on hait le prestige qui nous a trompé. C’est Armide qui brûle et détruit le palais où elle fut enchantée.