Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/440

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Il y a des redites pour l’oreille et pour l’esprit ; il n’y en a point pour le cœur.

— Sentir fait penser ; on en convient assez aisément : on convient moins que penser fasse sentir ; mais cela n’est guère moins vrai.

— Qu’est-ce que c’est qu’une maîtresse ? Une femme près de laquelle on ne se souvient plus de ce qu’on sait par cœur, c’est-à-dire, de tous les défauts de son sexe.

— Le temps a fait succéder, dans la galanterie, le piquant du scandale au piquant du mystère.

— Il semble que l’amour ne cherche pas les perfections réelles ; on dirait qu’il les craint. Il n’aime que celles qu’il crée, qu’il suppose ; il ressemble à ces rois qui ne reconnaissent de grandeurs que celles qu’ils ont faites.

— Les naturalistes disent que, dans toutes les espèces animales, la dégénération commence par les femelles. Les philosophes peuvent appliquer au moral cette observation, dans la société civilisée.

— Ce qui rend le commerce des femmes si piquant, c’est qu’il y a toujours une foule de sous-entendus, et que les sous-entendus qui, entre hommes, sont gênans, ou du moins insipides, sont agréables d’un homme à une femme.

— On dit communément : La plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu’elle a ; ce qui est très-faux : elle donne précisément ce qu’on