Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/62

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matiqiies qu’il faut les considérer; et, s’il n’a point la gloire d’avoir eu le premier cette idée si heu- reuse d’emprunter aux différentes espèces d’ani- maux l’image des différens vices que réunit la notre ; s’ils ont pu se dire comme lui :

Le roi de ces gens-là n’a pas moins de défauts
Que ses sujets ,

lui seul a peint les défauts que les autres n’ont fait qu’indiquer. Ce sont des sages qui nous conseillent de nous étudier; La Fontaine nous dispense de cette étude , en nous montrant à nous-mêmes : différence qui laisse le moraliste à une si grande distance du poète. La bonhomie réelle ou appa- rente qui lui fait donner des noms, des surnoms, des métiers aux individus de chaque espèce ; qui lui fait envisager les espèces mêmes comme des républiques , des royaumes, des empires, est une sorte de prestiges qui rend leur feinte existence réelle aux yeux de ses lecteurs. Ratopolis devient une grande capitale; et l’illusion où il nous amène est le fruit de l’illusion parfaite où il a su se pla- cer lui-même. Ce genre de talent si nouveau , dont ses devanciers n’avaient ])as eu besoin pour jioin- dre les premiers traits de nos ])assions , dc\ ient nécessaire à La Fontaine , qui doit en exposer à nos yeux les nuances les plus déUcates : autre ca- ractère essentiel, né de ce génie d’observation dont Molière était si frappé dans notre fabuliste. Je pourrais, messieurs, saisir mie multitude de