Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/64

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4o ŒUVRES

médie la moralité de l'apologue; La Fontaine, transportant dans ses fables la peinture des mœurs, donne à l'apologue une des grandes beautés de la comédie, les caractères. Doués, tous les deux, au plus haut degré du génie d'observation , génie dirigé dans l'un par une raison supérieure , guidé dans l'autre par im instinct non moins précieux , ils descendent dans le plus profond secret de nos travers et de nos faiblesses; mais cliacun , selon la double différence de son génie et de son carac- tère , les exprime différemment. Le pinceau de Mo- lière doit être plus énergique et plus ferme; celui de La Fontaine plus délicat et plus fin : l'un rend les grands traits avec une force qui le montre comme supérieur aux nuances ; l'autre saisit les nuances avec une sagacité qui suppose la science des grands traits. Le poète comique semble s'être plus atta- ché aux ridicules , et a peint quelquefois les for- , mes passagères de la société; le fabuliste semble s'adresser davantage aux vices, et a peint une na- ture encore plus générale. Le premier me fait plus rire de mon voisin ; le second me ramène plus à moi-même. Celui-ci me venge davantage des sot- tises d'autrui; celui-là me fait mieux songer aux miennes. L'un semble avoir vu les ridicules comme un défaut de bienséance, choquant pour la so- ciété; l'autre, avoii" vu les vices C(mmie u\\ défaut de raison, f;\clieux pour nous-niémes. Après la lecture dîi premier, je crains Topinion publique, après la lecture du second , je crains ma conscience.

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