Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t3.djvu/325

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

DE CHAMFORT. 3^1

prend sa source dans cette absurde idée que la révolution américaine est l'ouvrage d'i*n seul homme, ou de quelques hommes que l'on qualifie de factieux * méprise commune en tout pays aux agens du gouvernement qui vient de succomber. Accoutumés à voir souvent l'influence d'un seul homme dans le gouvernement, lorsqu'il était dans sa force, ils se persuadent que les changemens qui surviennent sont aussi l'ouvrage d'un petit nombre d'hommes ; et ne démêlant point la mul- titude de causes qui préparent et opèrent une ré- volution,, ils arrêtent leurs regards et leur haine sur un petit nombre de personnes que leurs ta- lens, leurs places, leur réputation, ou même le hasard des circonstances exposent le plus au grand jour. On ne considère pas que ces hommes n'ont d'existence et de force, que parce qu'ils sont les organes d'un intérêt commun et du besoin géné- ral. Lui seul consomme des révolutions aui ne peuvent s'opérer que quand elles sont iné^i tables -, chaque génération les regarde comme un far- deau qu'on voudrait rejeter sur la génération sui- vante , et dont on ne se charge que lorsque les maux publics sont devenus un fardeau non moins pesant. Dans ce dernier état de choses , quelques hommes de génie , calculant la pente de l'esprit national , et envisageant toutes les ressources qu'il multiplie, paraissent les chefs d'une opposition qui , étant générale ou presque générale ne peut , dans un pays libre ou qui cherche à le devenir.

�� �