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Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t4.djvu/171

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J>E CHAMFORT. ] 63

Se gouvernant toujours par les principes d'une vertu tranquille ; c'est Régulus , dans la pièce de Pradon. Si cette idée fût venue à un homme de génie, et qui , par l'exécution , ne fût pas demeuré au-dessous, peut-être aurions-nous une tragédie d'un genre nou'. eau.

Enfin , on rend un personnage intéressant par le mélange de vertus et de faiblesses reconnues pour telles : c'est même la voie la plus sûre ; on admire moins , mais on est plus touché. C'est que ceux en qui nous voyons nos faiblesses , ont plus de droit sur notre cœur , et sont plus j)roches de nous que les autres. Notre amour propre voit avec plaisir nos défauts unis à de grandes qualités. De plus , ces caractères mêlés sont dans un trouble continuel, où ils nous entretiennent nous- mêmes : ce n'est qu'un long combat de passions et de vertus, où, tantôtvaincus et tantôt vainqueurs , ils nous communiquent autant de divers raouve- mens; et c'est cette agitation , ce sont ces secousses de l'âme , qui font le plaisir de la tragédie.

Ces personnages sont de deux espèces : ceux qui sont totalement odieux , et qu'on ne doit montrer qu'autant qu'il est nécessaire pour re- doubler le péril des principaux personnages ; et ceux qui ne sont odieux qu'en partie , comme Médée et Cléopâtre dans /io<r/o^7^/?e, qui rachètent leurs crimes par une grande intrépidité d'âme , que Tune montre dans sa vengeance^ et l'autre dans son ambition.

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