DE CHAMFORT. l 'y 5
Dans Absalon , Tharès a ia même passion et le même héroïsme : elle est autant alarmée pour la vertu de son époux que pour sa vie ; et pour l'empêcher de consommer un crime , sans le déce- ler, elle ose se mettre en otage avec sa fille, entre les mains de David, après lui avoir fait faire un serment solennel que , s'il se trous e un traître , fiit-ce son propre fils , il ne fera grâce ni à sa femme ni à ses enfans.
Elle fait plus : quand la reine ose l'accuser d'a- voir armé Absalon contre son père, elle ne lui ré- pond qu'en remettant au roi une lettre par la- quelle il apprend ce qu'on trame contre lui et ce qu'on tente pour la tirer elle-même de ses mains. Mais sa magnanimité n'est ni féroce ni hautaine ; elle y mêle tant de tendresse, tant de raison et tant d'égards, qu'elle n'en devient que plus chère et plus respectable pour son époux , au moment même qu'elle le fait trembler , et que le spectateur sent à la fois le plaisir de la pitié et celui de l'admiration.
Si l'amour doit être réciproque entre les amans, cette règle acquiert un nouveau degré de force relativement à l'amour entre les époux. Si l'un des deux n'était pas aimé autant qu'il aime , il en serait en quelque sorte avili, et l'autre paraîtrait injuste. Il faut qu'ils soient tous deux dignes de ce qu'ils font Fini pour l'autre ; et le témoignage mutuel qu'ils se rendent, devient, pour le spccta-
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