Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t4.djvu/301

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Eh ! Peut-il démentir ce camp, dont les clameurs
déposent contre lui pour ses accusateurs ?


ZÉANGIR.


Oui. Souffrez seulement qu’il puisse se défendre.
Daignez, daignez du moins le revoir et l’entendre.


SOLIMAN.


Que dis-tu ! Ciel ! Qui ? Lui ! Qu’il paraisse à
mes yeux !
Me voir encor braver par cet audacieux !


ZÉANGIR.


Eh quoi ! Votre vertu, seigneur, votre justice,
de ses persécuteurs se montrerait complice !
Vous avez entendu ses mortels ennemis,
et pourriez, sans l’entendre, immoler votre fils,
l’héritier de l’empire ! Ah ! Son père est trop
juste.
Où serait, pardonnez, cette clémence auguste,
qui dicta vos décrets, par qui vous effacez
nos plus fameux sultans, près de vous éclipsés ?


SOLIMAN.


Eh ! Qui l’atteste mieux, dis-moi, cette clémence,
que les soins paternels qu’avait pris ma prudence
d’étouffer mes soupçons, d’exiger qu’en ma main
fût remis du forfait le gage trop certain ;
d’ordonner que, présent, et prêt à les confondre,
à ses accusateurs lui-même il pût répondre ?
Hélas ! Je m’en flattais ; et lorsque ses soldats
menacent un sultan des derniers attentats,
qu’ils me bravent pour lui, réponds-moi, qui
m’arrête ?
Quel autre dans leur camp n’eût fait voler sa tête ?