Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t4.djvu/303

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ZÉANGIR.


Ah ! Si vous m’approuvez, si mon cœur peut vous
plaire,
accordez-m’en le prix en me rendant mon frère.
Ces sentimens qu’en moi vous daignez applaudir,
communs à vos deux fils, ont trop su les unir ;
vous formâtes ces nœuds aux jours de mon enfance,
le temps les a serrés… c’était votre espérance…
ah ! Ne les brisez point. Songez quels ennemis
sa valeur a domptés, son bras vous a soumis.
Quel triomphe pour eux ! Et bientôt quelle audace,
si leur haine apprenait le coup qui le menace !
Quels vœux, s’ils contemplaient le bras levé sur
lui !
Et dans quel temps veut-on vous ravir cet appui ?
Voyez le transilvain, le hongrois, le moldalve,
infecter à l’envi le Danube et la Drave.
Rhodes n’est plus ! D’où vient que ses fiers
défenseurs,
sur le rocher de Malte insultent leurs vainqueurs ?
Et que sont devenus ces projets d’un grand homme,
quand vous deviez, seigneur, dans les remparts de
Rome,
détruisant des chrétiens le culte florissant,
aux murs du capitole arborer le croissant ?
Parlez, armez nos mains ; et que notre jeunesse
fasse encor respecter cette auguste vieillesse.
Vous, craint de l’univers, revoyez vos deux fils
vainqueurs, à vos genoux retomber plus soumis,
baiser avec respect cette main triomphante,
incliner devant vous leur tête obéissante,
et chargés d’une gloire offerte à vos vieux ans,
de leurs doubles lauriers couvrir vos cheveux blancs.
Vous vous troublez, je vois vos larmes se répandre.